L'avènement du roi Zagwe: un tournant politique et culturel dans l'Empire Aksumite du IXe siècle

Le IXe siècle en Éthiopie est marqué par un bouleversement majeur : la dynastie Zagwe prend le pouvoir, mettant fin à l’hégémonie de l’empire aksumite. Ce changement de régime politique ouvre une nouvelle ère dans l’histoire éthiopienne, marquée par des transformations significatives sur les plans religieux, architecturaux et sociaux.

Avant l’avènement du roi Zagwe, l’empire aksumite était déjà en déclin. La conversion au christianisme avait introduit de nouvelles influences culturelles et politiques, mais elle n’avait pas réussi à revitaliser l’empire face aux défis internes et externes croissants. Les incursions arabes menaçaient les frontières, tandis que des luttes de pouvoir persistantes affaiblissaient le contrôle central.

Dans ce contexte chaotique, la dynastie Zagwe émerge, probablement issue d’une lignée locale de chefs guerriers. Le premier roi Zagwe, souvent nommé “Mar’e Tekle Haymanot” (bien qu’il n’y ait pas de preuve historique irréfutable), arrive au pouvoir vers 850 après J.-C. L’ascension du trône par cette nouvelle dynastie marque une rupture avec la tradition aksumite. Les Zagwe étaient connus pour leur ferveur religieuse et leur engagement envers l’orthodoxie éthiopienne. Ils encouragent la construction de nombreuses églises rupestres, souvent dans des paysages spectaculaires et difficiles d’accès, comme celles que l’on peut admirer aujourd’hui à Lalibela.

Ces églises monolithiques creusées dans la roche sont une prouesse architecturale et témoignent de l’ambition religieuse et du talent des artisans Zagwe. Cependant, il est important de noter que l’art zagwé ne se limite pas à l’architecture religieuse. Les objets liturgiques, les manuscrits illustrés et les sculptures en pierre témoignent d’une grande créativité artistique qui mélange influences coptes, byzantines et indigènes.

L’ère Zagwe voit également une réorganisation administrative de l’empire. Le pouvoir royal est renforcé, avec une centralisation accrue autour du roi. Les provinces sont gérées par des gouverneurs nommés par la cour royale. Cette structure politique plus stable contribue à réduire les conflits internes et à améliorer l’efficacité de l’administration.

La dimension sociale:

L’arrivée des Zagwe entraîne des changements notables dans la société éthiopienne. Ils mettent en place des systèmes de redistribution des terres pour favoriser les petits propriétaires fonciers, ce qui renforce l’indépendance économique des paysans et limite le pouvoir des nobles terriens. De plus, ils encouragent le commerce intérieur et extérieur, ce qui stimule l’activité économique et favorise l’émergence d’une classe marchande puissante.

Le déclin et la transition:

Au XIIIe siècle, la dynastie Zagwe commence à s’affaiblir. Les raisons de leur déclin sont multiples : rivalités internes au sein de la famille royale, pression croissante des musulmans dans les régions périphériques et difficultés économiques liées à des sécheresses successives.

En 1270, le roi Yekuno Amlak, descendant du dernier roi aksumite, renverse le dernier roi Zagwe et fonde la dynastie salomonienne qui régnera sur l’Éthiopie pendant plus de sept siècles.

L’héritage des Zagwe :

Malgré leur règne relativement bref, les Zagwe ont laissé une empreinte profonde dans l’histoire éthiopienne. Ils ont contribué à renforcer la foi orthodoxe dans le pays, à développer un style architectural unique et à moderniser l’organisation politique de l’empire. Leurs réalisations sont encore aujourd’hui visibles dans les églises rupestres de Lalibela et dans d’autres vestiges architecturaux qui témoignent du génie créatif de cette dynastie oubliée.

L’étude des Zagwe nous rappelle que l’histoire est un processus complexe et multiforme, où la stabilité et le changement sont constamment en tension. Leur règne illustre également l’importance du contexte socio-politique dans l’émergence et la chute des dynasties.